E.Hopper, Le Phare , 1937

E.Hopper, Le Phare , 1937

vendredi 4 juin 2021

Pourquoi l'art ? (3)

 Dès qu'il y a des humains, il y a de l'art. C'est ce qu'atteste l'étude des diverses cultures ou de la préhistoire. Mais cette activité, à la différence de la chasse ou de l'agriculture ne sert pas à survivre. Dès lors la question se pose de la raison d'être de cette activité aussi essentielle que dénuée de fonction pragmatique. Dans le cadre d'un cours portant sur le rôle de l'écrit dans l'accès du public à l'art, les élèves ont été invités à donner leur réponse argumentée et personnelle à cette question, en s'appuyant sur l'analyse d'une oeuvre.

Selon moi, si les humains ont besoin d’art c’est parce que grâce à celui-ci ils arrivent à exprimer des points de vues différents sur notre monde et à faire changer notre propre vision de ce dernier. En effet, depuis enfant, j’ai eu la chance de grandir dans un environnement propice à la culture de manière générale. Je me souviens petite, arpenter les couloirs du Louvre en essayant de prendre un air intéressé comme les grandes personnes le faisaient. Je me souviens des mercredis après-midi après l’école à découvrir toutes les semaines un nouveau film. Toujours, je rechignais à me déplacer dans un lieu de culture ou à commencer un film inconnu, mais à la fin, je finissais toujours par me sentir changer. C’est en grandissant que ce sentiment a commencé à se développer, je commençais à aller au musée seule, à faire découvrir des films à mon entourage. Et j’ai compris que c’est ce sentiment que je recherchais, une sensation d’avoir réussi à attraper quelque chose d’impalpable. Souvent, à la fin d’un livre, d’une exposition, d’un film ou d’une première écoute d’un album de musique, je m’assois et pars dans mes pensées. En quoi cette découverte change-t-elle quelque chose en moi? M’a-t-elle appris quelque chose? M’a-t-elle rappelé je-ne-sais-quoi? Ma vision du monde ou de moi-même a-t-elle changé? Parfois non. Je n’arrive pas à capter ce ressentis. Et pourtant quand ce sentiment tant désiré m’imprègne je reste de longues minutes à contempler ce qui m’entoure. Comme au cinéma, à la fin d’un film, quand on reste jusqu’à la fin du générique pour assimiler ce qu’on vient de voir. Alors voilà, je suis dans une quête permanente, qui j’espère durera toujours, des petites choses qui font évoluer ma vision de notre monde. L’art me fait prendre conscience de ce qui m’entoure. Alors bien sûr, certaines œuvres n’ont pas pour objectif de montrer notre monde et cherchent même plutôt à le fuir. Mais à chaque fois je sens que les sensations, les réflexions que m’ont procuré ces œuvres, m’aideront de n’importe quelle manière à faire évoluer ma perception du monde et de moi-même, que ça soit en positif comme en négatif. Plus jeune, lorsque je regardais un film, je m’enfermais à la fin dans ma chambre et rêvassais des heures en m’imaginant dans l’histoire, en ressassant les sentiments qu’il m’avait procuré. Bien sûr, chaque humain à sa propre façon de s’imprégner de l’art. Une autre personne ne vivra jamais la même chose que moi devant une œuvre. Et cela rend ce sentiment encore plus unique et magique. Une œuvre d’art qu’elle soit majeur ou non dans notre histoire commune, change toujours, aussi minime que ça soit soit, la perception des choses d’au moins une personne C’est pourquoi l’art est nécessaire, je dirais même vitale pour nous. Il fait évoluer nos mentalités et nos mode de fonctionnements. Et l’élément majeure pour une espèce est l’évolution, si elle stagne, elle finit par s’éteindre.

Par exemple, un film qui a particulièrement touché mon enfance et plus généralement ma vie est le film d’animation de Hayao Miyazaki du Studio Ghibli, Mon Voisin Totoro, sortis au Japon en 1988. Pour le synopsis, c’est simple. Mon Voisin Totoro ne parle concrètement de rien. Ce film d’animation montre le quotidien de deux jeunes filles, Satsuki, qui a 10 ans et sa petite sœur Mei, âgée de 4 ans, au temps d’après guerre dans les années 1950. Elles déménagent avec leur père, M.Kusakabe dans la campagne japonaise pour se rapprocher de leur mère qui est à l’hôpital. C’est alors que les deux enfants vont croiser la route de plusieurs créatures merveilleuses. Mon Voisin Totoro, représente une parenthèse dans la vie des deux petites. Il illustre un moment de l’enfance, mais ici particulier, puisque des éléments extraordinaires vont venir peupler le quotidien des deux sœurs. Le temps du film montre une passe compliquée dans la vie de Satsuki et Mei. Leur mère est malade et est obligée de rester alité à l’hôpital. C’est alors Totoro qui va être une source d’espoir pour les deux jeunes filles. Ce dernier arrive tardivement dans le film, au bout de 30mins, ce qui magnifie son impact. Cependant, Totoro ne prétend pas résoudre tous les problèmes de Satsuki et Mei, comme dit plus haut, sa présence est plus synonyme de soutien lors d’une épreuve difficile que de réel solution aux troubles des deux enfants. La notion de parenthèse est aussi renforcée par le fait que Totoro n’apparaît plus dans le générique de fin qui montre la suite de l’histoire. Totoro peut être comparé à une peluche, un doudou, un objet transitionnel qui rassure quand les parents ne sont pas là mais qui n’est pas éternel.

Un autre aspect unique de Totoro est la relation avec l’imaginaire. Durant tout le film on peut se questionner si les noiraudes, Totoro (avec le moyen et le petit),et le Chatbus sont réels. On peut faire un lien entre la première rencontre de Mei avec Totoro et Alice aux pays des merveilles de Lewis Carol. Mei pourchasse le petit Totoro tout blanc que l’on peut comparer au lapin blanc d’Alice et tombe dans un trou qui la mène à Totoro comme Alice tombe dans le terrier et rencontre tout un monde imaginaire. Mais contrairement à Totoro, la fin d’Alice aux pays des merveilles montre bien qu’elle rêvait et que ce n’était que son imagination tandis que dans Totoro on reste dans cet équilibre flou entre imaginaire et réel. Ces deux mondes, seraient en accord et non pas séparé. En effet, tout ce que Mei et Satsuki voient, les adultes ne les aperçoivent pas. Comme par exemple le Chatbus qui se balade dans les rizières, en restant invisible aux yeux des adultes. Pourtant, pendant tout le film, les adultes ne remettent jamais en cause ce que disent voir les jeunes filles. Leur père porte même un respect envers ces créatures qu’elles croisent. Grand-mère (voisine de leur maison), dit même qu’elle aussi voyait des noiraudes quand elle était enfant mais qu’elle n’en a plus jamais vus depuis.

Un élément récurant chez Miyazaki est la nature. Pourtant ici, il n’est pas question de discours écologique comme dans Nausicaä de la Vallée du Vent (1984). Le film sous-entend les bienfaits de la nature et c’est une chose majeure. Tout le film tend vers une vie en accord avec la nature comme l’épisode dans le potager de grand-mère. La nature n’est même plus un cadre elle devient un personnage à part entière dont Totoro serait une manifestation parmi tant d’autres.

Mon Voisin Totoro, montre les petites joies du quotidien alliées avec des créatures merveilleuses, en toute justesse. Tout ne tourne pas autour de Totoro ou des autres créatures, le quotidien des jeunes fille est le sujet principal et ces créatures en font partis durant cette période. Le film est léger, bienveillant et apaisant avec sa palette de couleurs très colorée. Il est d’autant plus grandiose car il est intemporel en montrant ces jeunes filles qui s’amusent et touche aussi les adultes qui peuvent ressentir de la nostalgie à l’évocation de l’enfance. Le film d’animation japonaise, fait évoluer nos manières de percevoir le monde, par rapport à la nature et sa beauté mais aussi par rapport à notre conception de la famille et de nos premières années. Mon voisin Totoro, est une ode à l’enfance et à la nature qui est universelle !

Par L. Hoibian 

 

Nausicaa de la vallée du vent

 

 

 


 

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