E.Hopper, Le Phare , 1937

E.Hopper, Le Phare , 1937

mardi 9 juin 2020

Critique de " Guernica " de Pablo Picasso (1937)


Les élèves de première Histoire des Arts (spécialité) ont travaillé sur le rôle de l’écrit dans l’accès aux œuvres d’art, en particulier dans le cadre de la modernité. C’est ainsi que nous avons étudié des textes de Félix Fénéon, Jean Paulhan, Wassily Kandinsky, René Magritte et Anish Kapoor. Comme En conclusion de cette séquence, chacun a écrit une critique d’art sur une œuvre de son choix. C’est l’une d’elle que vous vous apprêtez à lire. 

Guernica est un tableau de Pablo Picasso (1881-1973). Il est exposé au musée de la Reina Sofia à Madrid. Ses dimensions sont de 349,3 sur 776,6 cm. Cette œuvre d'art a été créée en réponse au bombardement du 26 avril de Guernica par l'aviation allemande et italienne, à la demande des forces espagnoles nationalistes pendant la guerre civile espagnole.
Cette toile est sombre, possède peu de couleurs (noir blanc et gris barré de jaune et blanc). Ce qui frappe dans Guernica c'est l'absence de couleurs. Le tableau semble monochrome. Le noir-gris représente le deuil. Le fait que les couleurs soient si ternes, et que les contrastes soient si sombres et si bruts, cela évoque la mort du peuple, la mort des victimes et celle de la civilisation. En effet, on observe cette toile et tout nous semble dévasté, mort, noir et vide. Il n'y a plus de bruits... Plus de douleurs... Plus de souffrance... Que la mort et le sombre calme qui plane au-dessus de la ville...
Au-delà des contrastes violents et bruts, Guernica laisse aussi place à des allégories empruntées à la mythologie espagnole, en l'occurrence le taureau. Le taureau symbolise la violence du bombardement. Lorsque j'observe de plus près celui-ci j'ai comme l'impression de vivre la scène est de ressentir la brutalité du bombardement. Le taureau est représenté sans être idéalisé ou embelli, c'est ce qui donne une tournure effrayante et en même temps vivante à la contemplation de la toile.
C'est cela que je trouve fort dans cette toile. C'est que Pablo Picasso évoque à la fois le noir complet, le calme, comme une sorte d'apocalypse qui aurait emporté avec elle le rire des enfants, la vie des gens, mais à la fois le bruit, le chaos, les gens effrayés qui courent, les pleurs des enfants, le bruit des avions... Il y a un véritable appel à plusieurs sens : l'ouïe pour le bruit des avions ou le silence le plus profond, la vue pour l’agitation de la foule, les bouches qui s'ouvrent en grand... ou les cadavres inertes.
Guernica est un tableau figuratif … Il y a des éléments très identifiables, des animaux, une fleur... Mais ce tableau n'est pas réaliste, les personnages sont déformés, les formes sont d’abord expressives. Et c'est là, la force de Pablo Picasso. Il représente un événement qui s'est réellement passé, un événement tragique, triste et sombre de manière totalement irréaliste, avec des personnages difformes, des personnages qui ne paraissent pas réalistes, des allégories... Peut-être pour montrer que l'événement était si tragique qu'il n'est pas concevable de le représenter de manière réaliste. Il s’agit plutôt de représenter à l’intensité de cruauté et de douleur de cet événement... C'est là que j'estime que Picasso est bien au-dessus de beaucoup de peintres. Picasso en ne représentant pas la réalité telle qu'elle apparaît, peint en fait « l'impression du réel ». Il se préoccupe d’abord des sentiments, des images et des émotions. Pablo Picasso a été, avec Georges Braque, l’initiateur du cubisme. Ici il reprend des éléments visuels de cette période en juxtaposant les différentes facettes des visages ce qui rend l’œuvre encore plus expressive. 
Certains éléments se distinguent des autres, comme le cheval blessé qui est le sujet central. Il représente le peuple espagnol victime du soulèvement des nationalistes. Sa bouche est ouverte et le fait que son corps soit tordu illustre la douleur du peuple. En effet, le cheval est l'allégorie du peuple. Picasso à travers les postures de toutes ces allégories, exprime la souffrance, la douleur et la brutalité subie par le peuple et je trouve ça très fort de faire ressentir des émotions aussi intenses par la posture et la position des éléments. Le soldat mort est la seconde figure centrale. Son corps étalé sur la terre, est disloqué en plusieurs morceaux, c'est le signe de la violence des combats et pourtant celui-ci tient toujours dans sa main une épée pour montrer que même si le peuple a été battu il s'est battu avec courage, témérité et ardeur.
Pour conclure, je dirais que le style de Picasso, non réaliste, me touche bien plus que d’autres styles de peinture :  il procure des émotions bien plus fortes. Il est si étrange qu'il en est même parfois angoissant.


Par N. Andriana





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