Les élèves de première Histoire des Arts (spécialité) ont travaillé
sur le rôle de l’écrit dans l’accès aux œuvres d’art, en particulier dans le cadre
de la modernité. C’est ainsi que nous avons étudié des textes de Félix Fénéon,
Jean Paulhan, Wassily Kandinsky, René Magritte et Anish Kapoor. Comme En conclusion
de cette séquence, chacun a écrit une critique d’art sur une œuvre de son
choix. C’est l’une d’elle que vous vous apprêtez à lire.
Qu’est -ce que la féminité? Qu’est-ce qu’être
une femme? Ce sont les questions que nous posent l’artiste espagnole Mari
Chordà à travers sa série nommée “Vaginals” en commencé en 1964. Nous y
trouvons trois oeuvres représentant l’appareil génital d’une femme peint de
façon totalement abstraite.
À cette époque et notamment en Amérique, la
femme est représentée et idéalisée selon les attentes des hommes et leurs
désirs. Des figures publiques comme Marilyn Monroe deviennent alors les idéaux
de beauté féminins, appelant alors luxure et sensualité. Les femmes sont
attendus à ressembler à ces femmes dont la beauté dépasse l’entendement. En
plus de cela, les publicités présentent la femme comme objet de satisfaction
autant sur le plan moral et sexuel. La Femme se doit alors d’être soumise à
l’Homme, obéissante mais aussi sensuelle, aguicheuse sans pour autant dépasser
le stade de vulgarité. La Femme est un objet prêt à assouvir chaque désir de
son partenaire.
Mari Chordà, avec sa série d’oeuvre, remet en
question les standards de la société par ses représentations non-figuratives de
l’intimité d’une femme. En plus de lancer un message d’affirmation féministe,
elle démonte aussi les dictats de la beauté standard en appelant les femmes à
reprendre le contrôle de leur propre corps.
Le vagin ainsi présenté,aussi abstraitement,
permet de montrer qu’il n’y a pas de représentation officielle, chaque femme
est différente et est unique. Il n’y aura jamais de copie conforme et c’est
donc à chacune de trouver sa voix intérieure et poursuivre sa voie.
Nous nous intéresserons ici au tableau “The
Great Vagina”:
C’est un dessin sur papier fait à partir de
craies grasses en 1966. Il est exposé, ainsi que les autres oeuvres de la
série, au musée
national centre d'art Reina Sofía en Espagne, à Madrid, depuis 2017.
Il est sûrement le plus explicite des trois avec
les petites et grandes lèvres parfaitement distinguables. Nous avons donc ici
la représentation de la vulve.
Le fond aux tons marrons/orangés rappelle la
peau, la chair faisant donc appelle aux sens directes. La vulve est déclinée
sous différents tons de bleus mais aussi de violets. Les couleurs ne sont pas
saturées et n’agressent donc pas la rétine mais le contraste entre le fond et
le dessin permet d’interpeller le visiteur. L’utilisation du cercle chromatique
(opposition du bleu et du orange) permet de faire ressortir le dessin et donc
mettre en valeur la fleur du corps féminin.
Dans une interview par Tate, elle a déclaré
s’être prise comme modèle ce qui lui a permis de redécouvrir son intimité et le
plaisir que cela lui procurait de pouvoir se connaître.
Ce qu’elle a déclaré nous fait nous demander si
l’on connaît vraiment notre corps. Est-ce que l’on se connaît par nos yeux ou
alors par ceux de la société et des autres? L’image que nous avons de
nous-mêmes ne serait-elle pas la simple réflexion de ce que les Autres pensent
de nous? Sommes-nous les simples pantins d’une société patriarcale et
discriminatoire? Une société aux attentes trop hautes auxquelles personne ne
peut répondre. Peut-être que les standards sont élevés afin qu’ils deviennent
inatteignables permettant donc de manipuler tous les individus. Les manipuler
en utilisant chacune de leurs faiblesses. Transformer les faiblesses de chacun
en une force pour les autres, alimentant ce sentiment de supériorité,
alimentant la haine de chacun. Alors peut-être que le moyen de stopper cette
haine et cette souffrance perpétuelle est de se connaître soi-même , s’accepter
et s’aimer avant d’apprendre à aimer les autres.
Par Z. Mamodaly
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