E.Hopper, Le Phare , 1937

E.Hopper, Le Phare , 1937

vendredi 5 juin 2020

Critique de " Vaginals " de Mari Chrodà (1964)



Les élèves de première Histoire des Arts (spécialité) ont travaillé sur le rôle de l’écrit dans l’accès aux œuvres d’art, en particulier dans le cadre de la modernité. C’est ainsi que nous avons étudié des textes de Félix Fénéon, Jean Paulhan, Wassily Kandinsky, René Magritte et Anish Kapoor. Comme En conclusion de cette séquence, chacun a écrit une critique d’art sur une œuvre de son choix. C’est l’une d’elle que vous vous apprêtez à lire.







Qu’est -ce que la féminité? Qu’est-ce qu’être une femme? Ce sont les questions que nous posent l’artiste espagnole Mari Chordà à travers sa série nommée “Vaginals” en commencé en 1964. Nous y trouvons trois oeuvres représentant l’appareil génital d’une femme peint de façon totalement abstraite.
À cette époque et notamment en Amérique, la femme est représentée et idéalisée selon les attentes des hommes et leurs désirs. Des figures publiques comme Marilyn Monroe deviennent alors les idéaux de beauté féminins, appelant alors luxure et sensualité. Les femmes sont attendus à ressembler à ces femmes dont la beauté dépasse l’entendement. En plus de cela, les publicités présentent la femme comme objet de satisfaction autant sur le plan moral et sexuel. La Femme se doit alors d’être soumise à l’Homme, obéissante mais aussi sensuelle, aguicheuse sans pour autant dépasser le stade de vulgarité. La Femme est un objet prêt à assouvir chaque désir de son partenaire.


Mari Chordà, avec sa série d’oeuvre, remet en question les standards de la société par ses représentations non-figuratives de l’intimité d’une femme. En plus de lancer un message d’affirmation féministe, elle démonte aussi les dictats de la beauté standard en appelant les femmes à reprendre le contrôle de leur propre corps.


Le vagin ainsi présenté,aussi abstraitement, permet de montrer qu’il n’y a pas de représentation officielle, chaque femme est différente et est unique. Il n’y aura jamais de copie conforme et c’est donc à chacune de trouver sa voix intérieure et poursuivre sa voie.
Nous nous intéresserons ici au tableau “The Great Vagina”:

C’est un dessin sur papier fait à partir de craies grasses en 1966. Il est exposé, ainsi que les autres oeuvres de la série, au musée national centre d'art Reina Sofía en Espagne, à Madrid, depuis 2017.
Il est sûrement le plus explicite des trois avec les petites et grandes lèvres parfaitement distinguables. Nous avons donc ici la représentation de la vulve.
Les couleurs choisies sont intrigantes et appellent donc l’oeil du public.
Le fond aux tons marrons/orangés rappelle la peau, la chair faisant donc appelle aux sens directes. La vulve est déclinée sous différents tons de bleus mais aussi de violets. Les couleurs ne sont pas saturées et n’agressent donc pas la rétine mais le contraste entre le fond et le dessin permet d’interpeller le visiteur. L’utilisation du cercle chromatique (opposition du bleu et du orange) permet de faire ressortir le dessin et donc mettre en valeur la fleur du corps féminin.
Dans une interview par Tate, elle a déclaré s’être prise comme modèle ce qui lui a permis de redécouvrir son intimité et le plaisir que cela lui procurait de pouvoir se connaître.
Ce qu’elle a déclaré nous fait nous demander si l’on connaît vraiment notre corps. Est-ce que l’on se connaît par nos yeux ou alors par ceux de la société et des autres? L’image que nous avons de nous-mêmes ne serait-elle pas la simple réflexion de ce que les Autres pensent de nous? Sommes-nous les simples pantins d’une société patriarcale et discriminatoire? Une société aux attentes trop hautes auxquelles personne ne peut répondre. Peut-être que les standards sont élevés afin qu’ils deviennent inatteignables permettant donc de manipuler tous les individus. Les manipuler en utilisant chacune de leurs faiblesses. Transformer les faiblesses de chacun en une force pour les autres, alimentant ce sentiment de supériorité, alimentant la haine de chacun. Alors peut-être que le moyen de stopper cette haine et cette souffrance perpétuelle est de se connaître soi-même , s’accepter et s’aimer avant d’apprendre à aimer les autres. 

Par Z. Mamodaly 


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